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Jean-Baptiste
Autor: Jean-Baptiste
Jean-Baptiste est un ingénieur en environnement spécialisé dans les cannabinoïdes et leur utilisation, il évolue également dans le milieu du sport professionnel. Passionné par l’application des molécules issues du chanvre sur les humains et les animaux, il rédige de nombreux articles sur Hexagone Vert : études scientifiques, nouvelles applications du chanvre, CBD dans le sport, …
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10 idées recues sur le cannabis : pourquoi et comment a-t-on diabolisé cette plante

La légalisation du cannabis progresse rapidement dans le monde et les mentalités évoluent. Le nombre exponentiel de chercheurs et de professeurs qui défendent son utilisation, études à l’appui, démontre un réel intérêt scientifique et médical. Nous allons démontrer que le cannabis a été interdit pour de mauvaises raisons (politiques) et qu’à la lumière des connaissances actuelles, il n’existe aucune raison de maintenir la prohibition. Dans la moitié des états américains, il est désormais légal de consommer du cannabis. L’Uruguay est le premier pays à avoir légalisé totalement. L’Australie, l’Espagne, l’Argentine, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse ont déjà autorisé le cannabis à des fins médicales. L’Italie devrait également avancer dans ce sens par la suite. Le Canada devrait légaliser totalement en juillet 2018. En France, le débat (ou plutôt le non-débat) est précaire et porte uniquement sur l’aspect criminologique ou économique. On remarque que la couverture noire de la version française du National Geographic consacré au sujet est bien plus anxiogène que la couverture blanche de la version américaine. Le simple fait de défendre sa dépénalisation fait l’objet de critiques qui n’ont a priori besoin d’aucun argument supplémentaire. Un comble, pour une médecine largement utilisée depuis la nuit des temps. Néanmoins, 43% des français sont déjà favorables à la dépénalisation, selon un sondage Ifop pour Atlantico (janv. 2017). Ce sont les personnes les plus âgées qui se montrent les plus réticentes. Heureusement, la science apporte aujourd’hui des réponses concrètes et édifiantes sur les vertus de cette plante trop souvent diabolisée. Pourquoi n’existe-t-il aucun débat de fond sur le cannabis, alors que nous restons confinés à quelques idées reçues totalement erronées ? Quel bilan après sa légalisation aux USA ?

Préambule

Cannabis médical

La seule substance psychoactive du cannabis est le THC, plus ou moins présent selon la variété de la plante. Le cannabis faible en THC (<0.2%) est légal en Europe, en vente ici. Il s’agit de cannabis « médical » : impossible de planer avec ! Mais en vérité, un taux minimum de THC est indispensable pour que la plante délivre tout son potentiel médicinal. Ce phénomène d’ « entourage » est expliqué dans  cette étude  publiée dans le British Journal of Pharmacology (janv. 2011), en soulignant la synergie qui résulte de la combinaison des différents cannabinoïdes présents dans le cannabis. Le cannabis médical ne peut pas provoquer d’addiction, car seul le THC stimule les circuit dopaminergiques. Dans un documentaire d’Arte, on rencontre un de ces malades que la loi française empêche de se soigner. Bertrand souffre du SIDA depuis 30 ans, et il n’a trouvé que le cannabis pour supporter les effets secondaires de sa trithérapie. Il fabrique lui-même son médicament en toute illégalité. Il analyse d’abord la plante achetée au marché noir pour connaître le taux de chaque cannabinoïde, puis fait ses extractions. Un jour, alors qu’il se fait arrêter, il arrête sa médication pendant 3 mois. Il perdra 14 Kg après avoir dû stopper son traitement contre le VIH. Un cas d’école est celui de Charlotte Figi, une petite fille qui souffrait du Syndrome de Dravet, une forme particulièrement rare et sévère d’épilepsie, réputée intraitable. Un cannabis médical à faible taux de THC a permis de réduire miraculeusement ses crises, passant de 300 par semaines à 2 ou 3 par mois. Ces patients ont le choix entre vivre dans l’illégalité, ou rentrer dans le cadre de la loi française et se laisser mourir en quelques mois. A-t-on le droit de les ignorer ? Il n’existe dans le monde quasiment aucune controverse sur la non-dangerosité du cannabis médical. Nous allons cependant parler de cannabis récréatif, plus psychoactif, et plus controversé. Est-ce vraiment à cause de sa dangerosité pour la santé qu’il a été interdit ?

Propagande

Historiquement, le chanvre (variétés de cannabis faibles en THC – le composant actif) est l’une des premières plantes domestiquées par l’homme (au moins 8000 av. J.-C.), tout à la fois pour ses fibres solides (tissus, cordes, etc.), ses graines oléagineuses nourrissantes et les propriétés médicinales de sa résine. Dans les années 20 et 30 aux États-Unis, le cannabis est l’objet d’une gigantesque propagande orchestrée par les lobbies de l’industrie du coton, du nylon, du pétrole, de la presse (dont les patrons avaient des intérêts forestiers importants) et de l’industrie pharmaceutique (découverte de l’aspirine et de la morphine). Cette propagande appuiera son argumentation sur le racisme ambiant, en combinant le dégoût des « nègres », de leur musique (le blues et le jazz) et les ravages fantasmés du cannabis (folie meurtrière, dégénérescence, etc.) Henry Ford (de la Ford Motor Company), et Rudolf Diesel (le créateur des moteurs diesels) n’avaient jamais imaginé que les voitures rouleraient avec les carburants actuels à base de pétrole. Ils avaient conçu leur composants moteur pour fonctionner avec du bio-diesel, et ils pensaient que l’huile de chanvre ou de cacahuète seraient les carburants du futur. John Daniel Ehrlichman, ancien conseiller pour les Affaires Intérieures de Richard Nixon, explique que le gouvernement avait deux ennemis : les opposants à la guerre, et les Noirs. Il a récemment avoué :
« En faisant en sorte que le public associe les hippies avec la marijuana et les Noirs avec l’héroïne, et en criminalisant cela lourdement, nous pouvions combattre ces communautés. Nous pouvions arrêter leurs leaders, perquisitionner leurs maisons, empêcher leurs réunions, les criminaliser chaque jour dans les news du soir. Savions-nous que nous mentions au sujet des drogues ? Bien sûr que oui. » — John Daniel Ehrlichman, avril 2016
L’ancienne porte-parole de la DEA qui a œuvré pour la propagande jusqu’à 2004, a retourné sa veste et rapporté les dires de ses dirigeants qui ont oublié de lui faire signer une clause de confidentialité :
« Le cannabis est sans danger, on sait que c’est sans danger. C’est notre vache à lait et nous n’abandonnerons jamais. » — Belita Nelson, déc. 2016

Système endocannabinoïde

Notre corps produit ses propres cannabinoïdes. Comme tous les mammifères, nous avons des récepteurs cannabinoïdes partout dans le corps, qui constituent le système endocannabinoïde. C’est l’un des mécanismes de régulation du corps qui affecte de nombreux processus biologiques : il régule les systèmes immunitaire, nerveux, cardiovasculaire, reproductif, et gastro-intestinal. Or, à l’image des vitamines, notre corps ne sait produire que certains cannabinoïdes, et les carences peuvent causer de nombreux symptômes qui peuvent être difficiles à diagnostiquer et à traiter avec les médicaments modernes.
« Les dernières recherches visent à isoler les endocannabinoïdes [produits par le corps] comme essentiels dans le fonctionnement de l’organisme du fait de leur nombre beaucoup plus important que n’importe quel autre récepteur, ce qui permettrait d’expliquer les effets systémiques et généraux du cannabis et la variété de ses applications thérapeutiques. » – Wikipedia
A lire : Système endocannabinoïde : la clé de notre santé ?

« La drogue c’est mal »

Le cannabis, comme toute substance, n’est pas sans dangers, mais ces derniers sont très largement inférieurs à ceux de l’alcool ou du tabac. Une étude britannique publiée en 2010 qui émane de la Commission Scientifique Indépendante sur les Drogues (ISCD) a élaboré son propre système d’évaluation des dommages liés à l’utilisation des drogues, en calculant divers impacts physiques, psychologiques et sociaux pour l’utilisateur et son entourage :
The Lancet 2010.png
The Lancet, nov. 2010
L’étude estime que « les actuels systèmes de classification des drogues gardent peu de relation avec leur réelle nocivité ». On remarque également que les psychédéliques plus puissants (psilocybine & LSD) ont une nocivité quasi nulle. Comme pour toute substance ou tout médicament, la différence entre le poison et le remède réside dans la quantité et la qualité. Cela fonctionne avec n’importe quel produit, comme l’aspirine qui est neurotoxique : 10 cachets peuvent suffire pour tuer un adule, 1 seul cachet peut tuer un chien ou un chat. Mais on pourrait de la même manière diaboliser les huiles essentielles, pour lesquelles le nombre d’intoxications n’a cessé de croître depuis 15 ans. Une très petite quantité (une cuillère à café) peut entraîner une intoxication sévère et des signes neurologiques, notamment chez les enfants. 141 personnes ont été intoxiquées aux huiles essentielles en 2015. C’est bien plus qu’avec le cannabis. Les symptômes incluent : vomissements, somnolence, vertiges, bradycardie, hypotension, dépression respiratoire, œdème pulmonaire, etc. Cela fonctionne également avec la vitamine A, dont un excès provoque nausées et vomissements, troubles de la vision, perte de cheveux, malformations congénitales, cirrhose du foie, ostéoporose. Ou encore avec les anxiolytiques type Xanax ou Lexomil : sédation, vertiges, nausées, somnolence, déséquilibres, troubles de la mémoire, problèmes de concentration, de tolérance, addiction, overdose ; et les syndromes de sevrage incluent paranoïa, hallucinations, délires, et paradoxalement… insomnie et anxiété. Les anxiolytiques sont des psychotropes qui induisent une forte dépendance physique et des effets de sevrage lourds, et sont une cause avérée d’accidents de la route (source : Inserm). Or, nous sommes un des plus gros consommateurs au monde :
« Pour la classe des benzodiazépines [anxiolytiques], la France est en première position européenne, si ce n’est mondiale. » Ministère des affaires sociales et de la santé
Une grande étude observationnelle (avril 2017) vient d’ailleurs de montrer que le cannabis permet de diminuer drastiquement la dépendance aux anxiolytiques. On comprend rapidement pourquoi il est rentable pour une compagnie pharmaceutique  de dépenser $500 millions pour financer une campagne de propagande (WashingtonPost, mars 2017). L’alcool, quant à lui, peut causer : anxiété, insomnie, vomissements, hallucinations, convulsions, hémorragie cérébrale, hématomes cérébraux, convulsions, cirrhose hépatique, encéphalopathie, troubles de la conscience, etc. (source : Inserm). C’est l’une des rares drogues qui soit capable de causer les dommages organiques au cerveau nécessaires pour produire une psychose chronique. Une seule prise peut suffire pour provoquer un accident vasculaire cérébral (AVC). Chaque molécule d’éthanol est transformée par notre foie en acétaldéhyde, une substance cancérigène ; et le métabolisme de l’alcool produit au passage des radicaux libres qui peuvent carrément endommager l’ADN.

« Le cannabis crée une addiction »

Tout d’abord, on confond souvent addiction et accoutumance : il existe bien une accoutumance au cannabis, ce qui signifie avec l’habitude le cerveau s’habitue, et l’effet devient nul, comme c’est le cas pour le café par exemple. La dépendance physique est quasi inexistante. Seul le THC libère de la dopamine, la même molécule libérée lorsque l’on pratique un sport par exemple, et qui est responsable du plaisir ; mais la dopamine n’est pas une cause d’addiction en soi. On peut donc être accroc au cannabis comme on est accroc au sport, au sexe ou aux jeux : on parle d’addiction comportementale. Elle devient pathologique à partir du moment où elle envahit l’existence du sujet au point de devenir le principal centre de préoccupation, au détriment d’autres investissements affectifs, relationnels, sociaux, professionnels, familiaux, etc. Les drogues dures semblent découpler les neurones noradrénergiques (qui jouent un rôle dans l’excitation, les envies) et sérotoninergiques (chargés de contrôler les impulsions, réguler les envies), qui deviennent alors autonomes et hyper-réactifs. On démontre cette dissociation pour l’alcool, la morphine, l’héroïne, l’amphétamine, la cocaïne. Le THC (cannabis) ne produit pas de découplage, donc pas de dépendance, chez les animaux (source) — tout comme la nicotine seule. Ce qui explique que les personnes bipolaires (chez qui la modulation de ces neurotransmetteurs est défaillante) ont 7 fois plus de chances de devenir toxicomanes. Les études avancent que seulement 5 à 10% des consommateurs réguliers développent une certaine addiction au cannabis. Mais ces études ne prennent pas en compte le fait que la plupart du temps le cannabis est mélangé au tabac. Or, 90 % des fumeurs de tabac réguliers sont dépendants, et la dépendance peut s’installer en quelques jours seulement, même avec une faible consommation (source). Dans le classement du potentiel addictif, le tabac arrive en tête, suivi par l’héroïne, la cocaïne, l’amphétamine puis l’alcool. Le cannabis est derrière. Chez les gros consommateurs, les syndromes de sevrage sont un sentiment de malaise, une certaine irritabilité, ainsi que des troubles du sommeil dus au rattrapage du sommeil paradoxal en retard. Ces effets durent en général deux ou trois semaines. Fumer du cannabis avec du tabac est une habitude paradoxale (mélanger un médicament avec un poison) qu’ont la plupart des usagers par méconnaissance des nombreux substituts qui existent, comme (en autres) certaines variétés de sauge, pour un goût légèrement mentholé, ou bien d’autres plantes comme le basilic, le romarin, la lavande, etc. On trouve aussi par exemple des mélanges de papaye, de menthe, de feuilles de noisetier et d’eucalyptus. Comme pour toute substance, ce sont les jeunes et les personnes en précarité socio-économique qui sont les plus exposées au risque de développer une dépendance, quel que soit le produit dont il est question. Une étude de 2012 avait souligné que les jeunes de 12 ans avec un petit cortex orbitofrontal avaient plus tendance à commencer à fumer des joints avant 16 ans, ce qui sous-entend que les déficits de cette région du cerveau peuvent prédisposer à des comportements addictifs. Qu’est-ce qu’une drogue ? Prenons le cas du sucre : du point de vue du cerveau, les réactions déclenchées lors de son absorption, ainsi que les addictions provoquées à plus long terme, sont les mêmes qu’avec la cocaïne. Le sucre est donc une drogue dure, et il n’est pas étonnant que pour la grande majorité des pays ce soit un problème de santé national entretenu par les lobbies du secteur. Aujourd’hui plus de 2 milliards de personnes sont en surpoids ou obèses, en constante augmentation.
« Lorsque la dose de cocaïne est augmentée […] les rats continuent à préférer le levier leur donnant accès à la saccharine [sucre]. »Société française d’alcoologie

« Le cannabis est toxique »

Comparons le degré de dangerosité du cannabis avec l’alcool et le tabac (source : Wikipédia) :
AlcoolTabacCannabinoïdes
Dépendance physiquetrès fortefortefaible
Dépendance psychiquetrès fortetrès fortefaible
Neurotoxicitéfortenullenulle
Toxicité généralefortetrès fortetrès faible
Dangerosité socialefortefaiblefaible
La dépendance physique, psychique, et la neurotoxicité sont faibles voire nulles pour le cannabis, alors qu’elles sont fortes ou très fortes pour l’alcool notamment. Une cigarette par jour multiplie par 9 le risque de décès par cancer du poumon (source : Science & Vie). Cependant, toute combustion entraîne l’ingestion de gaz toxiques, tels que le monoxyde de carbone ou les goudrons ; c’est pourquoi fumer un joint est formellement déconseillé. La température de libération des cannabinoïdes (aux environs de 180°C) se situe bien en-deçà de la température de combustion (+600°C). Lors de la combustion, plus de 111 composants sont libérés en dehors des cannabinoïdes, ce qui représente 88% de la fumée. On préférera donc un vaporisateur qui permettra de diminuer drastiquement les gaz toxiques en limitant la température. De plus, la biodisponibilité du cannabis vaporisé est de 45% contre environ 25% à 27% pour un joint ; la combustion détruit entre 30 et 80% du THC. Il existe également d’autres modes de consommation sans combustion : ingestion, infusion, ou inhalateur. Le nombre de morts d’overdoses au cannabis est de… zéro. Et pour cause : il n’a pas de dose létale. Même ce bébé qui a avalé un morceau entier de résine de cannabis a survécu (Europe 1, nov. 2016). L’article commence par : « En plus d’être illégal, le cannabis est également toxique ». Paradoxalement, un bébé qui survit à une telle dose de cannabis (et on parle ici de résine dont on ignore la qualité) est la preuve de sa faible toxicité. J’ai donc laissé un commentaire le 25 février 2017 à la suite d’autres commentaires extrêmement critiques vis-à-vis de cet article à charge, mais le lendemain je remarque que tous ont été effacés ! Rappelons que dans la pratique, la qualité et les usages des produits illicites sont souvent mécaniquement mauvais. Difficile de demander telle variété de cannabis médical ou bio au dealer de la cité ! Il n’est pas non plus habituel d’effectuer un dosage très précis avant de consommer du cannabis. La légalisation permettrait de limiter la consommation des résines de cannabis (le haschich ou « shit ») dont la qualité est souvent exécrable et rend le produit toxique et dangereux. De plus, il devient addictif lorsqu’il est mélangé à du tabac. Malheureusement, c’est ce qui est le plus largement fumé aujourd’hui.
« En France nous consommons la forme la plus toxique avec de la résine de cannabis et du tabac. Notre législation favorise le danger. Une dépénalisation — c’est quasiment mécanique — entraîne des produits étiquetés, traçables et de meilleure qualité. Le cannabis en France aujourd’hui, c’est l’alcool frelaté du temps de la prohibition. » – Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Salpêtrière (Paris XIIIe), LeParisien.fr, janv. 2016

« Le cannabis diminue le QI »

Le cerveau possède de nombreux récepteurs cannabinoïdes. La consommation de THC provoque des changements dans l’architecture neuronale sur le long terme, affectant différents processus cognitifs. Cependant, ces changements ne sont pas encore bien compris, et les observations diffèrent d’une étude à l’autre : certaines (1, 2) ont rapporté une diminution du volume de certaines zones du cerveau , alors que d’autres (3, 4) rapportent une augmentation d’autres zones. Enfin, d’autres études (5, 6) n’ont observé aucune différence de volume de matière grise ou blanche chez des gros consommateurs. Or, la qualité ou la variété du cannabis, entre autres, sont rarement prises en compte dans ces études. C’est comme si on ne faisait pas la différence entre une personne qui consomme une bière par jour, et une autre qui boit de la vodka… Une étude encore reprise aujourd’hui dans de nombreux articles conclut à une diminution de 8 points de QI chez les personnes ayant consommé du cannabis pendant l’adolescence. En y regardant bien, il s’agit des personnes qui fument plus d’un joint par jour depuis l’âge de 13 ans jusqu’à 38 ans… Ces résultats ont depuis été infirmés dans une autre étude qui a cette fois-ci refait l’expérience avec des jumeaux dont seul l’un des deux fumait : la consommation de cannabis n’a pas modifié les résultats aux tests d’intelligence. Le problème, selon ces chercheurs, n’est pas de savoir si le cannabis peut endommager le cerveau des adolescents mais de savoir si « des enfants qui seraient prédisposés à une stagnation intellectuelle en primaire sont plus enclins à une consommation future de cannabis ». Corrélation n’est pas causalité ! Dans l’état actuel des connaissances, il reste néanmoins déconseillé aux plus jeunes de consommer du cannabis, avant maturation du cerveau (vers 23 ans). De plus, le cannabis peut induire une suggestibilité qui peut mener à une certaine vulnérabilité à des sollicitation extérieures, particulièrement chez les plus faibles (souvent les plus jeunes). La consommation semble plus bénéfique lorsqu’elle a lieu après maturation du cerveau. En août 2017, des chercheurs de l’Université de Bonn ont montré que des souris âgées, qui montraient des signes clairs de vieillissement cérébral, auxquelles on injectait de petites quantités de THC sur 4 semaines, voyaient leurs performances cognitives s’améliorer au point de rivaliser avec les jeunes. A l’inverse, le THC a diminué les performances des jeunes souris (source). En fait, on commence à trouver des études plus élaborées qui montrent de meilleures capacités cognitives chez les consommateurs réguliers de cannabis. En 2014, des chercheurs publient les résultats d’une expérience menée sur 70 personnes (dont la moitié avait commencé à consommer du cannabis à 17 ans) et affirment que « les consommateurs de cannabis avaient un niveau de fonctionnement élevé et montraient des QI comparables au groupe de contrôle, et des vitesses de traitement relativement meilleures » (source). Cette étude souligne une corrélation entre une consommation modérée et une meilleure connectivité des neurones. Une récente étude (Nature, mars 2017) montre que le cannabis permet une meilleure oxygénation des organes, et augmente la capacité du cerveau à oxyder le glucose (sucre) pour produire de l’énergie. La Corée, où le cannabis est légal, possède d’ailleurs un taux de QI parmi les plus élevés au monde, soit 8 points de plus qu’en France. Par contre, une diminution constante (au fil des ans) du QI est avérée chez les personnes qui passent trop de temps en voiture dans les bouchons, ou devant la télévision.
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« Tous les champs sont touchés, de l’intelligence à l’imagination, en passant par le langage, la lecture, l’attention et la motricité. »Michel Desmurget, TV lobotomie (source de l’image)
L’alcool, quant à lui, bloque l’activité des récepteurs NMDA qui sont essentiels à l’apprentissage, la mémoire et la plasticité synaptique – pour ainsi dire l’intelligence. Contrairement au cannabis, les effets peuvent persister même après arrêt de la consommation, du fait de sa toxicité élevée :
« Des lésions anatomiques à type de perte neuronale, présumée irréversible, ont également été mises en évidence dans certaines régions de l’encéphale, principalement le cortex préfrontal, l’hypothalamus et le cervelet. » – INSERM, Effets de l’alcool sur le système nerveux

« Le cannabis détruit la mémoire »

Le cannabis altère temporairement la mémoire à court terme, mais contrairement à l’alcool, il n’est pas question de neurotoxicité. De fait, cette altération participe au caractère ludique de l’expérience, et ouvre de nouvelles possibilités pour l’esprit qui devient plus à même de se connecter à ce que d’aucuns nomment le « moment présent », avec tous les bénéfices que cela induit sur le bien-être, la concentration, la créativité et l’apprentissage. Ainsi, correctement dosé, le cannabis permet de décupler les performances dans les jeux vidéos par exemple, ou dans la pratique d’un instrument de musique. D’éventuels effets néfastes sur la mémoire à long terme sont quant à eux beaucoup moins évidents et restent à prouver. En fait, de nombreuses expériences ont révélé que les cannabinoïdes pouvaient avoir un effet neuroprotecteur : de récentes études pressentent même qu’il pourrait être efficace contre Alzheimer (source : Sciences & Avenir). Une nouvelle étude (mai 2017) vient de confirmer ces résultats prometteurs. Commençons par découvrir par quel procédé la mémoire à court terme est affectée : le THC (composant actif) vient se fixer sur un récepteur qui lui est spécifique à la surface des mitochondries des neurones de l’hippocampe (région cérébrale impliquée dans la mémoire) et diminue leur activité. Cette étude de l’INSERM explique :
« L’activation des récepteurs CB1 entraîne une diminution de l’activité neuronale et de la libération de neurotransmetteurs se traduisant par une mise sous silence transitoire et réversible (absence d’effets neurotoxiques) des neurones et synapses exprimant les récepteurs CB1 (« cibles primaires » de l’effet des cannabinoïdes) ». – INSERM, Cannabinoïdes et système nerveux central
L’étude souligne paradoxalement un phénomène extrêmement intéressant :
« Le fait que l’activation des récepteurs CB1 entraîne une inhibition de l ’activité de neurones spécifiques ne signifie pas que les dérivés du cannabis ou les endocannabinoïdes soient « inhibiteurs » des fonctions cérébrales. En raison  d’effets de circuits […], les cannabinoïdes peuvent in fine provoquer l’excitation de certaines populations neuronales ou noyaux cérébraux  (« cibles secondaires »). » – INSERM, Cannabinoïdes et système nerveux central
De fait, il a été montré que lors de la consommation de cannabis, la communication entre les hémisphères gauches et droits du cerveau change subtilement, pouvant engendrer une légère synesthésie, qui est un mélange des perceptions sensorielles : la musique est plus vivante, et commence à se mélanger avec l’imagerie et les perceptions émotionnelles directes. Davantage de zones du cerveau sont sollicitées pour traiter un stimulus, et c’est la définition la plus pertinente qui soit pour décrire la « conscience » (voir l’article Cerveau & conscience). Comme la synesthésie permet d’améliorer l’apprentissage, les synesthètes sont souvent dotés d’une grande intelligence. Elle est également une technique utilisée par les champions de la mémoire. Cependant, lors d’une consommation non-stop prolongée, le cannabis réduit temporairement le sommeil paradoxal qui est nécessaire pour rêver. Or, les rêves aident à trier les centaines d’impressions et d’images que l’on rencontre chaque jour, traiter ces souvenirs et les ordonner. Le Dr Hamburger confirme ceci: « En fumant de l’herbe, vous supprimez le sommeil paradoxal, et avec cela vous supprimez également beaucoup de fonctions importantes de ce sommeil paradoxal, dont une de ces fonctions est de revivre les choses que vous avez vécues et de les accepter. Le traitement de toutes sortes d’influences psychologiques est quelque chose que vous faites dans le sommeil paradoxal. Vous anticipez aussi les choses qui se passeront le lendemain ou les jours suivants. Pendant que vous dormez, vous les envisagez déjà et prenez des décisions à l’avance. » Ce qui peut expliquer un certain état de confusion chez les consommateurs pathologiques.

« Le cannabis provoque la schizophrénie »

De toutes les études publiées jusqu’à maintenant, il apparaît impossible que le cannabis provoque la schizophrénie chez un sujet sain. Par contre, chez de rares personnes porteuses d’un gène les prédisposant à déclencher un trouble psychotique de type schizophrénique, il semblerait qu’un facteur protecteur contre les effets du THC ne soit pas sécrété correctement au niveau de l’hippocampe (source). Néanmoins, il existe depuis peu un test d’analyse ADN afin de déterminer si un individu est porteur de ce gène, et s’il sera plus enclin à des problèmes de dépendance. Ainsi, les médecins qui prescrivent du cannabis médical (peu psychoactif) devraient avoir recours à ce test. Ceci dit, l’un des cannabinoïdes présent dans le cannabis, le CBD (en vente libre en France), a unanimement démontré son potentiel comme antipsychotique. La légalisation permettrait de développer la recherche sur ce sujet et la création de nouveaux médicaments, comme c’est le cas aux Etats-Unis par exemple. En France, nous sommes malheureusement très en retard sur ce sujet. A lire : L’huile de chanvre ou CBD En 2009, le professeur David Nutt, alors président du Conseil gouvernemental sur l’abus des drogues (ACMD), publie un rapport dans lequel il souligne un paradoxe : sur les trente dernières années, la schizophrénie semble disparaître, alors que l’usage du cannabis a fortement augmenté (source : TheGuardian).

« Le cannabis augmente le risque de crises cardiaques »

On suppose également une augmentation du risque de complications cardiovasculaires. Ces statistiques grossières ne détaillent cependant pas les modes de consommation, et on sait que la plupart des consommateurs utilisent une résine de cannabis de faible qualité ou de l’herbe pouvant contenir une forte concentration de pesticides et d’engrais chimiques, qui lorsque fumés se retrouvent directement dans le sang, tout cela mélangé à du tabac. Or, le tabac multiplie par 8 le risque de crise cardiaque majeure ; et entre 18 et 34 ans, près d’une personne sur deux en fume. Cependant, l’une des plus prestigieuses institutions des États-Unis, l’Académie Nationale des Sciences, vient de publier (janv. 2017) un rapport unificateur de plus de 10 000 études démontrant l’efficacité médicale du cannabis, d’après lequel il n’y a « pas assez de preuves pouvant appuyer ou réfuter l’idée que le cannabis pourrait augmenter le risque de crise cardiaque ». Le cannabis synthétique, qui échappe à la législation, provoque quant à lui des troubles cardiovasculaires et a même déjà provoqué des morts :
« On en trouve sur Facebook. Les ados, les enfants en ont. […] C’est tellement compliqué de trouver de la vraie weed [cannabis], que les gens se rabattent là-dessus et finissent par convulser. » — ViceNews
Quoi qu’il en soit, en contrôlant la qualité et en popularisant d’autres méthodes de consommation plus saines, la légalisation permettrait de réduire très largement ces risques, et empêcher la prolifération du cannabis synthétique qui se révèle destructrice.

« Le cannabis est mauvais pour la rétine »

Voici un exemple d’article trouvé dans une revue réputée :
Fumer du cannabis est mauvais pour la rétine « Pour la première fois, des chercheurs français ont montré que les yeux d’un consommateur régulier de cannabis ont un important retard dans leur réponse à un signal lumineux. De quoi confirmer les craintes en situation de conduite automobile. » — Science & Vie fév. 2017
J’ai retrouvé la source, dont voici la suite :
« Une telle anomalie devrait être imperceptible pour les consommateurs de cannabis. » – Dr. Vincent Laprevote, JAMA Ophta, déc. 2016
Voilà un détail qui change tout ! Quant aux « craintes en situation de conduite automobile » dont il est question dans l’article, il s’agit simplement d’un commentateur qui souligne l’intérêt d’une telle étude car « des effets délétères sur le système visuel auraient également des implications pour la conduite ». Il affirme que « la conclusion selon laquelle le cannabis cause un dysfonctionnement des ganglions rétiniens ne peut être établie avec un degré de certitude suffisant sur la base des preuves avancées dans la présente étude. » Mais alors, comment une telle désinformation a-t-elle pu être publiée dans un magazine comme Science & Vie ? Je leur ai donc écrit, mais le magazine reste silencieux. Un autre cas de désinformation / propagande anti-cannabis a été très largement repris dans les médias avec l’affaire de l’attaque des moutons stones. Par contre, de simples ampoules à LED présentent des dangers bien plus importants pour la rétine :
« La lumière émise par les LED engendre deux phénomènes toxiques parallèles : l’apoptose, mais également une seconde forme de mort cellulaire, la nécrose. » — Inserm.fr, janv. 2017
Cette étude montre par ailleurs que le cannabis peut améliorer la vision nocturne. Cette autre étude rapporte une diminution des chances de signaler une mauvaise qualité de la vue. Les cannabinoïdes représentent effectivement une piste sérieuse pour le traitement des maladies dégénératives des yeux.

« Le cannabis fait sombrer dans la dépression »

Ce rapport de causalité n’est soutenu par aucune étude existante à ce jour. Cela dit, certains noient leur ennui dans l’alcool, d’autres dans le cannabis. Consommer du cannabis n’empêche pas de déprimer dans l’absolu ; mais corrélation n’est pas causalité. Par contre, il semble parfaitement logique qu’un jeune consommateur qui aurait empêché le développement normal de son cerveau présente un risque accru de faire une dépression une fois adulte. On parle aussi souvent d’un désintérêt pour tout ce qui entoure le consommateur, ce qui semble être effectivement le cas avec un comportement toxicomane et des produits de mauvaise qualité. Personnellement, je dois admettre que je n’ai jamais porté un intérêt aussi grand pour les sciences, l’art, la culture, la musique, la philosophie : tout devient plus ludique, plus intéressant, fait plus de sens. L’industrie pharmaceutique a voulu lancer des anti-cannabinoïdes de synthèse pour traiter l’obésité, mais ils ont été retirés de la vente, voire stoppés durant les essais cliniques à cause d’effets secondaires importants, notamment dépression et anxiété (source : Wikipedia).
« Beaucoup de femmes dans la quarantaine ne veulent pas sortir dans le froid pour faire des bonhommes de neige avec leurs enfants. Mais après un ou deux bonbons [au cannabis], vous adorez la neige. Vous adorez les bonhommes de neige, faire de la luge. » — une mère de famille d’Upper East side, New York, NYPost
Même sans être sans cesse sous l’emprise du cannabis, j’observe des effets bénéfiques durables, comme un comportement plus positif dans les transports en commun par exemple, ou dans mon travail (ingénieur en développement logiciel) ; on est moins sujet au stress et il y a une réelle volonté à agir plus intelligemment, plus efficacement.
« J’étais déprimé et le cannabis a stoppé la dépression. Il m’a donné un but. Mon cerveau s’était activé. » — Dr Allan Frankel, médecin interne renommé à Los Angeles
C’est exactement la sensation que procure le cannabis : le cerveau se met littéralement en marche, et on prend conscience à quel point nous sommes dans un état de veille habituellement. Ce mode est en fait hérité d’un comportement de survie, mais il n’est pas le meilleur état possible. Bien utilisé, le cannabis peut être un précieux allié sur le plan psychique et psychologique. Cette plante est un outil naturel extraordinaire, dont il convient d’avoir une utilisation raisonnée, ce qui sous-entend d’être correctement informé et d’avoir accès à une bonne qualité de produit. C’est malheureusement impossible sans légalisation. Par contre, de nombreuses maladies peuvent être causées par une consommation prolongée d’alcool chez des sujets sains : par exemple la leucoaraïose, une maladie fréquente du système nerveux central connue sous la dénomination de « démence sénile » ou encore « cerveau en gruyère ». Les symptômes sont progressifs : difficulté à accomplir des tâches et des raisonnements complexes, pertes de mémoire, troubles de l’humeur (dépression) du sujet, et désintérêt croissant pour ce qui l’entoure. Aucun médicament ou traitement ne soigne cette démence mortelle. Il faut savoir enfin que les cas de maladie d’Alzheimer « pure » sont rares ; 30 % des patients auraient de la leucoaraïose (sources : WikipediaSTA HealthCare Communications). Mais même une substance aussi dangereuse que l’alcool peut montrer certains bénéfices à petite dose.

« On se croit philosophe pour n’importe quelle tautologie »

Les consommateurs ont parfois l’impression de sortir des phrases à « haute portée philosophique », alors qu’elles peuvent sembler tout à fait banales à d’autres, et ce n’est pas faux : ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il est souvent très difficile au consommateur néophyte de traduire la beauté, le sens profond que revêt alors une chose simple lorsque l’on a une illumination. Cette façon de prendre du recul sur les choses, de les percevoir d’une façon nouvelle est extrêmement bénéfique pour tout un chacun. Le cannabis aurait le pouvoir de changer la sociétépar le bas, et de fait, avoir des impacts extrêmement sensibles et positifs. Les plus grands maux de notre époque ne sont-ils pas psychologiques ?
« Qu’est-ce qui est contrôlé ? Ce ne sont pas les substances mais nos libertés et nos esprits ; la répression n’est pas pour notre sécurité, d’être « perchés » et de sauter des immeubles, mais bien pour nous garder enfermés dans un état d’esprit matérialiste. » — Heaven et Charing, 2006
A contrario de l’alcool ou des anxiolytiques, le cannabis ne permet pas d’occulter ses problèmes personnels. En permettant d’accéder à des informations habituellement occultées par le rétrécissement de notre conscience, c’est également un excellent outil d’introspection psychologique qui permet d’en apprendre beaucoup sur soi. Les effets bénéfiques, tant sur le court que sur le long terme sont indiscutables et unanimement reconnus. Le cannabis est certainement le meilleur médicament connu à ce jour, que chacun pourrait faire pousser chez soi, et c’est justement pour cela qu’il a été l’objet d’une gigantesque propagande aux USA (cf préambule). Pensez-vous sincèrement que le but de l’industrie pharmaceutique, dont le marché dépasse les $1,000 milliards, est de faire le moins d’argent possible en gardant ses clients dans le meilleur état de santé qui soit ?

« Le cannabis cause des bad trips »

Des crises de panique sans gravité peuvent en effet survenir chez les néophytes qui prennent une dose trop importante, en particulier celles psychologiquement faibles ou instables. Une personne qui n’a pas l’habitude d’utiliser son cerveau, et qui se connait mal, va se retrouver submergée d’informations, d’où la sensation de paranoïa. Il est fort regrettable de rester sur ce genre d’expérience. Nous revenons donc simplement sur la question de la quantité et du bon sens. Un dosage correct ne causera pas une mauvaise expérience, surtout avec un produit de bonne qualité. Vous viendrait-il à l’idée de vider une bouteille d’eau de vie frelatée alors même que vous n’avez pas l’habitude de boire ? C’est souvent le cas dans les initiations sauvages qui ont lieu en dehors du cadre légal. Dans toute médecine, avec tout médicament, il convient de rechercher la dose efficace minimale. On parle alors de microdosage. Le cannabis agit comme un exhausteur de conscience : une chose agréable sera perçue de manière très positive, de même qu’une chose désagréable pourra éventuellement se révéler affreuse. Mais il existe des milliers de variétés de cannabis dont les effets diffèrent largement. Enfin, chez un même utilisateur, avec un même produit, l’expérience peut largement varier, notamment en fonction de l’état d’esprit et de la fatigue. Il est également avéré que la réponse au cannabis diffère grandement en fonction de chaque individu à cause de facteurs génétiques. D’où l’impossibilité de tirer des conclusions générales.

« Le cannabis est le premier pas vers les drogues dures »

Cette affirmation ne s’appuie sur aucune étude (même en cherchant bien). Même la DEA a retiré cet élément de son site internet. En réalité, les psychédéliques plus puissants que le cannabis peuvent même traiter les toxicomanies (héroïne, cocaïne, amphétamines, alcool), les syndromes de stress post-traumatique, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), ou les phobies. Les autres produits comme la cocaïne ou l’héroïne ne font pas partie de cette famille de produits et n’ont rien à voir. Dans les états qui ont légalisé, le nombre d’overdoses à l’héroïne a chuté (source : NYTimes, avril 2016). Adam E. Barry a découvert que les adolescents qui buvaient de l’alcool avaient 13 fois plus de chances de consommer du tabac et de la cocaïne. Selon lui, le problème vient du fait que l’alcool est très accessible et considéré comme moins dangereux que ces autres drogues. Une récente étude démontre que la consommation de boissons énergisantes de type RedBull, très fortes en sucre et caféine, mène à une augmentation « significative » du risque de consommer de la cocaïne et des amphétamines. « Si nous enlevons aux mafias la résine de cannabis, elles s’attaqueront à d’autres drogues plus dures encore comme la cocaïne ou l’héroïne » croit savoir Philippe Goujon, député-maire du XVe arrondissement de Paris. Or,  la légalisation au Colorado a montré que la consommation chez les 12-17 ans a chuté de 12% en un an (source : WashingtonPost). Aux Pays-Bas, où le cannabis est légalisé, la part des jeunes à essayer le cannabis est presque deux fois plus faible qu’en France. L’un des objectifs de la légalisation est justement d’éviter que les consommateurs n’entrent en contact, via les revendeurs de rue, avec d’autres produits beaucoup plus dangereux comme la cocaïne, l’héroïne ou le crack. La légalisation pourrait également permettre de limiter le taux de THC autorisé.

« Le cannabis est dangereux pour la grossesse »

Bien avant qu’il ne soit banni, le cannabis était un remède utilisé en obstétrique pour ses effets calmants et anti-nausées. Le cannabis peut faire des miracles pour les 0.5 à 2% des femmes enceintes souffrant de vomissements graves, qui peuvent s’avérer fatals pour la mère et l’enfant. Il n’existe aucun produit pharmaceutique pour traiter cette affection, mais le cannabis peut apporter un soulagement immédiat. En Jamaïque, pendant la grossesse cette médication atténue les nausées et la fatigue, ses vertus relaxantes sont appréciés. Il est probable que le cannabis soit en fait plus sûr que plusieurs des remèdes à base de plantes, et également que bon nombre des traitements anti-nausées actuellement disponibles dans le monde entier. Cela dit, un cannabis fort en THC, et fumé semble augmenter le risque d’émergence de psychose à l’adolescence, d’addiction ou de dépression chez l’enfant. Un thé de cannabis naturel et pauvre en THC semble donner des résultats bien plus positifs. La consommation de cannabis, même parfois lourde, ne semble cependant avoir aucun impact sur la santé des nouveaux-nés. Le Dr Dreher est l’une des rares auteurs à avoir mené une recherche pertinente. Cette étude fréquemment citée a pour originalité la qualité de son échantillonnage : elle cible les mères qui consomment uniquement le chanvre naturel de manière traditionnelle. De fait, les résultats ne sont pas faussés par une mauvaise posologie, un mauvais produit, ou l’absorption d’autres drogues, de tabac ou d’alcool, comme c’est le cas dans d’autres études.
  • « Les résultats n’ont pas montré de différence significative dans les tests de développement entre les enfants de mères qui consommaient ou non, excepté à 30 jours où les bébés exposés ont obtenu de meilleurs scores à 2 types de test de l’échelle de Brazelton : stabilité anatomique et réflexes. » (Dr Dreher (1))
  • « Il n’y a pas de différence significative entre les nouveaux-nés exposés et non exposés à 3 jours. A 1 mois, les bébés exposés ont montré une meilleure stabilité physiologique. Les nouveaux-nés lourdement exposés étaient plus socialement sensibles. La qualité de leur vigilance était plus haute ; leur système moteur et autonome était plus robuste ; ils étaient moins irritables. » (Dr Dreher (2))
Ces résultats ont depuis été confirmés (1, 2). Néanmoins, le Dr Dreher reste prudente sur le fait que les bébés exposés présentaient des résultats nettement meilleurs que les autres, en soulignant l’impact de l’environnement socioculturel. Enfin, une étude portant sur 145 enfants de 4 à 5 ans montre que « la perception globale du mouvement était diminuée chez les fœtus exposés à l’alcool, et améliorée significativement chez ceux exposés au cannabis. Ceux exposés aux deux étaient normaux. » (Nature, déc. 2015). La preuve que le cannabis peut avoir des effets bénéfiques sur la santé du nouveau-né. En comparaison, en France la consommation d’alcool pendant la grossesse est la première cause de handicap mental d’origine non génétique et évitable chez l’enfant, qui se caractérise par un retard de croissance prénatale et postnatale pour le poids, la taille, et provoquant parfois une dysmorphie faciale. Il touche 1 bébé sur 100, indique l’Inpes. Une femme sur cinq déclare avoir bu pendant pendant sa grossesse. Côté fertilité, le cannabis affecte la qualité du sperme chez l’homme (source), mais l’effet est heureusement réversible. Bob Marley a d’ailleurs eu 11 enfants ! Très peu de données scientifiques existent à propos de l’effet du cannabis sur la fertilité féminine, mais le cannabis rendrait plus difficile l’ovulation. La tolérance développée par les consommatrices régulières permet cependant de dissiper ces effets, mais le cannabis reste déconseillé le temps de la conception. Les effets nocifs du tabac sur la fertilité sont également bien connus (source).

« Tout le monde va devenir faignant »

Historiquement, les paysans consommaient du cannabis pour se détendre après une dure journée de labeur dans les champs. Quel métier demande autant d’énergie aujourd’hui ? On revient donc sur la question du dosage et de la qualité (faible en THC, et donc peu ou pas psychoactif en l’occurrence). Des chercheurs ont identifié un cannabinoïde (CBN) comme étant responsable de l’effet sédatif : les variétés de cannabis en contiennent plus ou moins. Sur le marché noir, impossible d’avoir le choix ou de savoir à quoi s’attendre. Le triathlète d’élite Clifford Drusinsky, 39 ans, vainqueur de 9 triathlons majeurs, utilise du cannabis sous forme de barres énergétiques pour ses entraînements :
« Le cannabis me détend et me permet de rentrer dans un état contrôlé et méditatif. Sous l’effet du cannabis, je m’entraîne d’une manière plus intelligente et je me concentre sur la forme. »  – Clifford Drusinsky, MensJournal.com
Clifford Drusinsky possède également un club de gym à Denver avec un certain Jim McAlpine, dans lequel il propose du cannabis à ses clients : « Je m’entraîne plus longtemps lorsque je suis high », avoue John Hunt, entrepreneur et client du club de gym. « Si j’en prends un petit peu avant un gros entraînement, je suis entièrement connecté. », reporte un autre client. Personnellement, j’apprécie une très légère dose pour faire du street workout. L’activité devient plus ludique, du fait notamment d’une meilleure connexion entre le corps et l’esprit : on ressent une forte synergie entre le cannabis et le sport.
« Je pense que le sport va devenir un des plus importants secteurs de l’industrie cannabique. C’est en ligne avec l’idée que les gens et la société commencent à comprendre que le cannabis est une médecine. Le cannabis, lorsqu’il est utilisé de manière responsable, accentue ce que vous aimez dans vos activités sportives, et vous aide à mieux les pratiquer. » – Jim McAlpine, 420games.org, mai 2016

« La légalisation serait catastrophique »

Dans le Colorado, un an après la légalisation des ventes de marijuana à usage récréatif, le bilan de la mise en place est jugé largement positif. « On nous disait : les ados vont se ruer sur le cannabis, les adultes vont se défoncer et ne plus aller travailler… Rien de tout cela ne s’est concrétisé », se félicite l’avocat Brian Vicente, l’un des rédacteurs de l’amendement 64 par lequel 55% des électeurs du Colorado ont autorisé, en novembre 2012, la production et la vente de marijuana aux adultes de plus de 21 ans. Dans cet état, le crime a baissé de 10 % selon le FBI. Le nombre d’accidents de la route aussi ; le cannabis remplace l’alcool dans de nombreux milieux, y compris les milieux huppés et les mariages. Cette étude montre une augmentation immédiate de la criminalité autour des dispensaires ordonnés à fermer. 40 millions de dollars du produit des taxes collectés est destiné aux écoles. Autre bénéfice économique : l’emploi. Plus de 15 000 personnes travaillent dans les serres et les magasins, selon les chiffres officiels (source : Blog LeMonde.fr). Enfin, la consommation chez les 12-17 ans a chuté de 12% en un an (source : WashingtonPost.com), puisque le cannabis est désormais moins accessible aux adolescents via le marché noir qui se tarit. A voir : Les bienfaits de la légalisation du cannabis aux États-Unis, RTL, déc. 2016 Dans l’état de Washington, une étude souvent citée montre que le nombre d’accidents de la route dans lesquels le cannabis est impliqué a plus que doublé, mais l’étude présente un défaut fondamental : étant donné que le THC reste une semaine dans le sang, ce serait comme si un rapport montrait le nombre de personnes ayant bu une bière la semaine avant leur accident. En fait, le cannabis ne semble pas jouer un rôle significatif dans les accidents de la route, selon une revue de sept études séparées impliquant 7934 conducteurs :
« Les études de culpabilité d’accidents ont échoué à démontrer que les conducteurs avec des cannabinoïdes dans le sang ont significativement plus de chance que des conducteurs sobres d’être impliqués dans un accident de la route. » — Cannabis and Cannabinoids: Pharmacology, Toxicology, and Therapeutic Potential
Dans le même temps, le téléphone portable est devenu la 4ème cause de mortalité routière.

« C’est ridicule et dangereux »

Toute révolution passe par trois phases : ridicule, dangereux, évident. Sans le débat, l’idée parait ridicule, à cause de tous les préjugés et de l’ignorance autour du sujet. Avec le débat, l’idée devient dangereuse (« Et les effets sur la santé mentale de nos enfants ? » ; « Et mes ventes de médicaments ? »). Demain, les vertus médicinales et thérapeutiques du cannabis seront évidentes pour tous. Pourquoi ne pas plutôt interdire la vente de tabac ? Peut-être parce qu’il engrange 14 milliards de recettes fiscales ? Et pourtant non : l’État est largement perdant, puisqu’il doit dépenser directement plus de deux fois cette somme pour couvrir le coût des soins (source : cnct.fr). Mais si l’on tient compte également les coûts indirects, on arrive à un « coût social » total de… 120 milliards d’euros ! C’est également le coût social de l’alcool (source : ofdt.fr). Donc le tabac a été très rentable un certain temps, mais aujourd’hui il est un véritable fléau pour notre société. Le tabac nuit à l’économie et constitue un frein majeur au développement du pays. Donc ce qui est ridicule et dangereux, c’est que la vente de tabac et de cannabis synthétique soit légale. Mais tous ces milliards ne sont pas perdus pour tout le monde : on devine aisément l’influence des lobbies pharmaceutiques et des cigarettiers sur les gouvernements qui sont pourtant censés protéger les citoyens des intérêts privés. Enfin, les dangers du cannabis chez les plus jeunes sont sans commune mesure avec ceux de l’alcool : sur la route, 1 accident sur 3 est causé par l’alcool ; 20% des décès avant 65 ans sont dus à l’alcool (source : LeMonde.fr). Quant au tabac, il tue 6 millions de personnes par an dans le monde, soit plus que les homicides + l’alcool (3 millions) + les accidents de voiture + le sida + les suicides, a causé 100 millions de morts de XXème siècle et pourrait causer 1 milliard de morts au XXIème siècle.

Conclusion

Sur le plan économique, le cannabis rapporte de l’argent, qu’il soit légal ou non. Quand il est illégal, c’est le marché noir qui prospère, alors que l’argent du contribuable (300 millions d’euros en France) est gaspillé en essayant d’appliquer la guerre contre les drogues — avec le succès que l’on connait. Et la répression contre l’auto-culture n’a qu’un seul gagnant, le marché noir, contre qui l’Etat est censé lutter. Est-il normal d’adopter une politique de répression pour 17 millions de français, soit une personne sur quatre ? Aux USA, le marché cannabique légal a rapporté 6.9 milliards de dollars en 2016, et pourrait atteindre 68 milliards de dollars en 2021. Le fait qu’en France le débat ne soit pas ouvert sur ce sujet montre bien les limites de notre démocratie, dans laquelle l’intérêt des politiques est trop souvent contraire aux intérêts du plus grand nombre. Ceux qui détiennent le pouvoir savent très bien que l’ouverture du débat mènerait inexorablement à la fin de la prohibition. Aux USA, les bénéfices des sociétés pharmaceutiques sont déjà impactées de $4 milliards par an sur la vente de certains médicaments comme les analgésiques, les pilules contre le stress post-traumatique, les somnifères, les anxiolytiques, les pilules pour l’épilepsie et pour les effets secondaires de la chimiothérapie (source : Université de Géorgie, juil. 2016). Tout ce que le cannabis peut remplacer… C’est donc à nous citoyens de nous battre pour mettre fin à la prohibition ! Plusieurs entreprises pharmaceutiques sont en train de mettre au point des médicaments à base de cannabinoïdes. Le Dr Neil Smith affirme que « l’industrie cannabique médicale est à un grand tournant ». Déjà plus d’une centaine d’études ont démontré le potentiel anticancéreux du cannabis. L’Université d’Oxford vient d’investir £10 millions pour créer un centre d’excellence dans la recherche sur les cannabinoïdes :
« Ce domaine est très prometteur pour le développement de nouvelles opportunités thérapeutiques pour les patients atteints de cancer » – Prof. Ahmed, Université d’Oxford, Telegraph.co.uk, mars 2017
Enfin, l’IDPC (International Drug Policy Consortium) a demandé aux experts de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) de travailler sur une reclassification des drogues, qui réalisera cette année sa première évaluation de la valeur médicinale du cannabis et de ses dérivés. Une première en 82 ans, depuis que la plante est interdite mondialement. En conséquence, le cannabis à usage médical pourrait être reclassifié en 2018.
« La classification des substances […] a un impact sur la vie , la santé publique et les droits humains des personnes et elle ne devrait pas être le résultat d’actions arbitraires ou politiquement motivées. » — Commission nationale consultative des droits de l’Homme, nov. 16
R.L.
Un grand merci à Remi pour ce superbe article complet https://theonlymaxblog.wordpress.com/2017/02/02/10-idees-recues-sur-le-cannabis/

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